Sur vingt-deux qu'on venait d'arracher à la geôle dans la nuit et qu'on avait menés sur une place par le froid terrible d'avant l'aurore de décembre, trois étaient liés au poteau. Une bouche invisible avait lu la sentence, seule à tomber dans le silence de la neige et la solitude des curs. L'officier levait son sabre, les fusils allaient partir. Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevsky, qui comptait trente-un ans d'âge et attendait son tour au milieu des autres, n'avait plus qu'un moment à vivre. Il ne souffrait pas. Une lucidité puissante l'emplissait, au centre des ténèbres et de l'engourdissement singulier où se noient, à l'heure de la mort, toutes les circonstances et le fait même de la mort. Ses cinq dernières minutes lui faisaient l'effet d'une éternité, d'une richesse immense , qu'il divisait en périodes régulières pour les employer à penser. À la seconde où l'officier baissait son sabre, la grâce arriva... Tels furent ses débuts dans le drame de vivre. On peut parler de drame là où le printemps et l'été sont des passages frissonnants entre deux étendues livides dont la neige, le gaz des villes, la peine du fouet, les processions mystiques, la famine, la lampe devant l'icône forment le fond de l'attente et du souvenir.
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